La vaste réforme de la politique migratoire adoptée par le Parlement européen

La vaste réforme de la politique migratoire adoptée par le Parlement européen

Les eurodéputés ont adopté mercredi la réforme de la politique migratoire de l’Union européenne, fruit d’un difficile compromis sur un sujet qui alimente tensions et divisions entre les Vingt-Sept depuis des années.

Les eurodéputés ont adopté mercredi 10 avril la vaste réforme de la politique migratoire européenne, fruit d’un difficile compromis sur un sujet qui alimente tensions et divisions entre les Vingt-Sept depuis des années. Le Parlement européen a voté en faveur de dix textes formant ce « Pacte sur la migration et l’asile », lors d’une session plénière à Bruxelles, brièvement interrompue par les protestations de militants hostiles à cette réforme.

« Nous avons écrit une page d’histoire », s’est réjouie la présidente du Parlement européen Roberta Metsola. « Cela fait plus de dix ans que nous y travaillons. Mais nous avons tenu parole. Un équilibre entre solidarité et responsabilité. Telle est la voie européenne », a-t-elle réagi sur X. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen salue de son côté « un énorme pas pour l’Europe ».

Même son de cloche du côté du chancelier allemand Olaf Scholz, qui y a vu un « pas historique indispensable » qui « limite la migration irrégulière et soulage enfin les pays qui sont particulièrement touchés ».

« Merci d’avoir eu le courage de faire des compromis », a salué la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson, saluant une « grande réussite ».

Ce « Pacte sur la migration et l’asile » durcit les contrôles des arrivées aux frontières du bloc et met en place un système de solidarité entre États membres.

« Nous sommes face à nos responsabilités », déclarait dans l’hémicycle l’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe, centristes et libéraux), estimant que voter contre ce pacte était « offrir une victoire à l’extrême droite européenne ». « Ce pacte ne résoudra pas tout, mais c’est un pas en avant, un pas de géant », a encore estimé l’élue, rapporteuse de l’un des règlements clés, portant sur les procédures d’asile.

La refonte des règles est basée sur une proposition de la Commission présentée en septembre 2020 après l’échec d’une précédente tentative de réforme, dans la foulée de la crise des réfugiés de 2015-2016.

« Moment historique »

La réforme a fait l’objet d’un accord politique en décembre et a été approuvée en février en commission parlementaire, avec l’objectif d’une adoption finale avant les élections européennes de juin. Mais les différents rapporteurs de ces textes ont exprimé mardi leur inquiétude sur l’issue du vote.

Parallèlement à cette réforme, qui ne s’appliquera que courant 2026, l’UE multiplie les accords avec les pays d’origine et de transit des exilés (Tunisie, Mauritanie, Égypte) pour tenter de réduire le nombre d’arrivées à ses frontières.

‘UE fait face à une hausse des demandes d’asile, dont le nombre a atteint 1,14 million en 2023 – le plus haut niveau depuis 2016, selon l’Agence européenne pour l’asile. Les entrées « irrégulières » dans l’UE sont elles aussi en augmentation, à 380 000 en 2023, selon Frontex.

La réforme met en place un « filtrage » obligatoire des migrants arrivant aux frontières de l’UE, consistant à les enregistrer dans la base de données commune Eurodac.

Une « procédure à la frontière » est prévue pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile : ils seront retenus dans des centres le temps que leur dossier soit examiné de façon accélérée, dans le but de renvoyer les déboutés plus rapidement.

Quelque 161 organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, Amnesty International, l’International Rescue Committee ou encore Oxfam, avaient appelé les eurodéputés à rejeter le Pacte, s’inquiétant des « détentions de familles avec enfants » et une « criminalisation » des exilés.

« Effondrement des valeurs »

Mêmes griefs à gauche de l’échiquier politique. « C’est un effondrement des valeurs », a fustigé l’élu français Mounir Satouri (Verts). À l’inverse, à l’extrême droite, les nouvelles règles sont jugées insuffisamment restrictives.

La commissaire européenne Ylva Johansson, à l’origine de la proposition de Pacte, a dénoncé mardi « les forces politiques qui veulent que l’immigration soit un sujet toxique impossible à gérer ».

La règle en vigueur selon laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un migrant est responsable de sa demande d’asile est maintenue avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays où arrivent de nombreux exilés, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne, un système de solidarité obligatoire est organisé.

Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile (relocalisations) ou en apportant une contribution – financière ou matérielle – au profit du pays sous pression migratoire. Une façon de tenter de surmonter l’opposition de la Hongrie et de la Pologne à tout quota de réfugiés – même si ces deux pays restent hostiles à la réforme.

Après le vote, le Pacte devra encore être formellement approuvé par les États membres. La Commission européenne présentera d’ici juin un plan de mise en œuvre. Car de nombreuses questions sont laissées en suspens, suscitant des incertitudes sur le fonctionnement du système.

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